Depuis le retour ‘négocié au sommet de l’Etat’ des soldats rwandais en RDC, officiellement pour ‘traquer’ les rebelles FDLR, le pays de Lumumba et Kasavubu est pratiquement soumis au règne des rumeurs aussi folles que contradictoires. La classe politique ne parvenant pas, pour des raisons tout aussi obscures, à éclairer l’opinion publique, il ne reste à la communauté nationale que de s’enfoncer dans la désinformation et la méfiance, génératrices du désaveu et de la démobilisation populaires. Le contexte interpelle le garant de la nation. Joseph Kabila doit s’expliquer et, surtout, persuader.
Plus qu’un point de presse classique, le rendez-vous que le président de la République, Joseph Kabila, a pris aujourd’hui, samedi 31 janvier 2009, avec l’opinion nationale - et pourquoi pas aussi internationale - au travers d’une conférence de presse, paraît un exercice risqué. C’est à cause du contexte, des événements et des acteurs en présence.
Ses services de communication ont beau annoncer préalablement, dans une note d’information, que le chef de l’Etat «communique avec l’opinion nationale et internationale sur la politique intérieure et extérieure de la RDC et les perspectives en 2009», la curiosité de l’opinion publique ne s’en trouve pas ébranlée. Et pour cause.
Les Congolais, au premier chef, attendent beaucoup de la «rencontre médiatique» de ce samedi avec leur président, garant de l’unité nationale, de l’intégrité territoriale et de la souveraineté nationale.
Néanmoins, échaudés par 48 ans de beaux discours politiques depuis l’indépendance, ils demeurent majoritairement sceptiques quant aux assurances données par les services de communication présidentiels.
Ni emballés ni surpris
Ceux-ci ont, en effet, présenté «la grande conférence de presse» d’aujourd’hui comme étant un cadre dans lequel le président mettra «tout sur le lampion pour éclairer l’opinion … sur l’évolution de la situation politique, sécuritaire, sociale, la mise en marche effective des cinq chantiers, les relations diplomatiques de la RDC avec les pays de la sous-région des Grands lacs, les bailleurs des fonds ainsi que les partenaires au développement».
Les Congolais, dans leur ensemble, ne se sentent ni emballés ni surpris par le contenu du communiqué présidentiel annonçant le sommaire détaillé de la conférence de presse de cette fin de mois. Une deuxième conférence qui intervient après celle du 13 septembre 2007.
Ainsi, les sujets tels que «l’avancement des travaux de la reconstruction, les propos du président français, Nicolas Sarkozy, qui ont suscité des réactions au sein de la classe politique congolaise» ne sont en rien une stimulation. Le peuple s’y attendait.
Mais pas exclusivement. Il y a, également, l’apaisement que les propos du président devraient induire par rapport aux «opérations conjointes de pacification avec les armées de l’Ouganda, du Soudan et du Rwanda ainsi que leurs effets positifs sur les populations du Kivu et de l’Ituri».
Du nord au sud, d’est à l’ouest, les Congolais attendent leur chef sur un autre point : le sort à réserver à Laurent Nkunda, à la suite des contacts diplomatiques qu’il est capable d’entreprendre avec Kigali. Il va sans dire que les populations de l’Est, victimes des années de guerre, de violences, d’exil intérieur et extérieur, méritent une considération particulière. Ce thème, comme les précédents, passionne les foules et les organismes humanitaires.
Congolo-pessimisme
Il est vrai, comme l’indiquent les services de communication présidentiels, que devront être évoquées et explicitées les questions liées «à la bonne gouvernance, à la corruption des députés dans le dossier de la Direction générale des impôts, à la crise financière internationale».
Joseph Kabila usera-t-il de la langue de bois, si chère aux politiciens ? Eludera-t-il les vraies questions que se posent, perplexes, ses compatriotes y compris ses pseudo alliés du PPRD (parti présidentiel) et de l’AMP (la Majorité présidentielle) ? Va-t-il, pour délibérément se couper du peuple, escamoter les questions «gênantes» mais pourtant essentielles, voire existentielles, pour le public ?
De toutes les manières, vu le contexte, c’est le peuple qui tient, cette fois, le père de la nation par la barbichette. Le président de la République a donc fort à faire pour donner des réponses précises, claires, sans faux-fuyant ni phraséologie creuse aux préoccupations de la communauté. Mieux encore, il devra convaincre.
Il est particulièrement attendu, ici et ailleurs dans le monde, sur les détails concernant l’intervention avalisée des troupes rwandaises au Kivu contre les FDLR. La précarité des masses laborieuses et de la poignée des travailleurs encore en exercice, amplifiée par la récente crise financière internationale, est un chapitre qui nécessite des réponses pragmatiques, urgentes. Pas de promesses.
Le bouquet, c’est justement les «Cinq chantiers» dont le démarrage tarde à convaincre les professionnels du congolo-pessimisme. Ils se recrutent aussi bien parmi les autochtones que les expatriés. Après tout, qui leur jetterait la pierre, s’ils n’expriment que le constat des réalités congolaises ? Honnêtement, personne. Et surtout pas les politiciens, dont le président Joseph Kabila.