Répondant mercredi 8 décembre 2010 à la question orale du sénateur Siluvangi Lumba sur le plateau continental de la République démocratique du Congo, le Premier ministre Adolphe Muzito a exclu toute compromission de son gouvernement. « Il n’y a ni immobilisme, ni laxisme », a-t-il lancé, du haut de la tribune de la Chambre haute du Parlement.
Par deux fois, le Premier ministre, Adolphe Muzito, a raté l’occasion d’entretenir le Sénat sur les tractations en cours entre Kinshasa et Luanda pour la délimitation du plateau continental de la République démocratique du Congo. Souvent empêché « du fait des contingences du calendrier et des raisons d’Etat », le Chef du gouvernement a fait le déplacement le mercredi 14 décembre 2010 de la Chambre haute du Parlement. Il était question de répondre à la question orale lui adressée par le sénateur Siluvangi à propos du plateau continental de la RDC.
Le sujet a l’objet d’une rumeur qui s’est amplifiée sur les intentions – non avérées pour la plupart – de la RDC d’abandonner ce dossier au profit de l’Angola. Celui-ci développe sur l’espace maritime aujourd’hui réclamé par la RDC, une intense activité pétrolière et extrait par jour près de 500.000 barils de pétrole. Pour l’opinion publique, c’est un acte de haute trahison que d’abandonner cette manne pétrolière au voisin angolais.
DEVOIR DE CONVAINCRE
Chef du gouvernement, Adolphe Muzito avait donc le devoir de convaincre. A l’accusation de silence coupable du Gouvernement, compris comme un signe de faiblesse, le Premier ministre réplique : « Il n’y a ni immobilisme, ni laxisme ». Il a tout de suite exclu un quelconque conflit entre les deux pays.
« A ce jour, il n’y a aucun conflit entre la RDC et la République d’Angola », a indiqué le chef du gouvernement, rappelant, à ce propos, les déclarations du président de la République dans son discours du 8 décembre devant le Parlement réuni en Congrès: « Dans ce dossier, je me réjouis de constater que, lors de la dernière session de la Commission mixte RDC-Angola, en décembre dernier à Luanda, et de ma récente visite dans cette ville, les deux pays ont réaffirmé leur volonté commune de parvenir à un accord dans le cadre de la Convention des Nations unies sur le droit de la mer de Montego Bay ».
Il a également rappelé le déplacement effectué en avril 2009 à Luanda par le chef de l’Etat pour « marquer cet esprit d’entente et de rapprochement entre nos deux pays ». Il s’agit là, de l’avis d’Adolphe Muzito d’une preuve de l’implication effective de plus hautes instances du pays pour une solution définitive à ce problème.
Selon lui, le dépôt le 11 mai 2010 de la requête de la RDC auprès de la Commission des Nations unies chargée des limites du plateau continental est un acte protocolaire qui s’est justifié par l’impératif d’une contrainte découlant de l’institution d’une date butoir, 13 Mai 2009, au-delà de laquelle toute prétention à l’extension du Plateau continental aurait été irrecevable. L’acte posé par la RDC, a-t-il rappelé, « répondait à une exigence de la procédure au niveau de cette instance. Elle n’est pas la conséquence ni le point de départ d’un quelconque conflit ».
« La RDC n’est pas prête à capituler, loin de là, a-t-il insisté, notant que « Notre requête aux Nations unies visait donc à répondre à un double enjeu : d’abord, affirmer la souveraineté de l’Etat congolais sur des espaces maritimes dont il n’avait, pendant longtemps, clairement défini ni les frontières ni les espaces. Ensuite, assurer la souveraineté sur l’extension du plateau continental au delà de 200 milles marins ».
Pour le chef du gouvernement, la RDC avait donc tout à gagner en empruntant cette voie. Car, « ce double enjeu permettra au pays d’accéder aux richesses présentes dans ces zones maritimes ».
Ainsi, grâce à la promulgation par le président de la République, de la loi n°09/002 du 7 mai 2009 et grâce à la requête préliminaire introduite le 11 mai 2009, le gouvernement, précise Adolphe Muzito, a relevé « un défi important contre l’immobilisme et la léthargie dans l’application des dispositions pertinentes de la Convention des Nations unies de 1982 sur le droit de la mer ».
La démarche initiée par le gouvernement pour faire triompher la cause de la RDC est un « exploit stratégique », un acte politique à encourager, a dit Adolphe Muzito. Pour autant que, indique-t-il, « 27 ans après la signature de ladite Convention, et 21 ans après sa ratification par notre pays, ce sont nos institutions issues des élections démocratiques qui ont pris à bras le corps ce problème d’extension du plateau continental de notre pays ».
« A ce jour, a-t-il poursuivi, sans qu’il ne s’agisse d’une question de conflit avec leurs voisins, près de 80 pays ont introduit des requêtes préliminaires auprès de cette Commission visant à l’extension de leur plateau continental au delà de 200 milles marins », soulignant qu’ « en cela, ils ne font que se conformer à la convention de Montego Bay sur le droit de la mer ».
SOLUTION APAISEE
Pour le Premier ministre, il n’y a pas lieu de s’alarmer face à la position affichée par l’Angola : « Il est vrai que le gouvernement angolais a communiqué sa position sur notre requête préliminaire. Mais, il est aussi un fait que la République d’Angola a élaboré souverainement sa loi sur ses frontières maritimes. Et qu’elle a introduit tout aussi souverainement sa requête préliminaire à la Commission des limites du plateau continental. A ce sujet, des indications pertinentes ont été envoyées aussi bien au secrétaire général des Nations unies qu’au gouvernement angolais ».
Jouant à l’apaisement, Adolphe Muzito s’est dit confiant, convaincu que la RDC défend une cause juste, en s’appuyant sur les dispositions pertinentes de la Convention de Montego Bay sur le droit de la mer. Il a rappelé la vérité géographique et juridique selon laquelle la RDC est un Etat côtier. Et, « en tant que tel, elle a droit à une zone économique exclusive qui va jusqu’à 200 milles marins et à l’extension de son plateau continental au-delà de 200 milles marins ».
Pour l’essentiel, Adolphe Muzito a dit fondé son optimisme sur la Loi portant délimitation des frontières maritimes de la RDC qui, pense-t-il, est « claire » car, elle est « élaborée dans le respect des règles scientifiques et juridiques en la matière ». Il la juge juste et équitable tout autant que la réclamation par la RDC du droit de propriété sur les espaces maritimes aujourd’hui exploités par l’Angola.
Même si la RDC part favorite au regard des dispositions légales en la matière, le Premier ministre a fait savoir que le gouvernement n’a pas mis de côté l’option de la négociation. Il a dit que les négociations engagées portent « non pas sur la loi elle-même, mais sur les conséquences directes de notre délimitation ». Selon lui, « ces négociations avec la République d’Angola sont incontournables et demeurent d’actualité. Elles ont pour objectif de clarifier la pertinence des méthodes employées par nos experts pour la délimitation de nos frontières de façon à préserver l’équité et nos liens traditionnels de solidarité et d’amitié ».
Il a, à l’occasion, dévoilé la ligne d’attaque du gouvernement qui se décline en trois axes : « renégocier l’exploitation commune des Zones d’intérêts communs, scientifiquement et juridiquement définis comme étant les espaces sur les 5 kms qui longent les deux limites latérales ; négocier le départ des sociétés de droit angolais exploitant des blocs pétroliers dans le couloir maritime congolais, ou trouver toute autre forme de partenariat ; favoriser au maximum l’esprit de coopération et de fraternité avec notre voisine unique, l’Angola, présente au Nord et au Sud de notre couloir maritime ».
Dans son intervention au Sénat, le Premier ministre n’a éludé aucun sujet. Il a apporté des réponses claires et précises, coupant court aux informations, parfois contradictoires, véhiculées par les rumeurs.
Cependant, compte tenu de la pertinence du dossier et de son implication dans la mise en œuvre du plan de reconstruction de la RDC, il s’est mis à la disposition du Sénat pour « d’éventuels compléments d’informations ». Un exercice qui consiste à dissiper tout malentendu. Il permet également d’éviter que de fausses informations ne dénaturent la démarche choisie par le gouvernement pour rétablir l’Etat dans son droit de jouir des richesses pétrolières de son plateau continental.