Le Conseil des ministres a, selon son porte-parole, noté vendredi que « l'état du territoire est calme dans l'ensemble, hormis des cas d'insécurité entretenus dans la province du Nord-Kivu par les éléments dissidents de Laurent Nkunda et d'autres éléments incontrôlés ».
En prenant connaissance du « vote d'une motion de censure contre le gouvernemental provincial du Sud-Kivu par les députés provinciaux en date du 14 novembre 2007 », il donne l'impression de n'avoir pas senti qu'il s'agit en fait d'un calme trompeur.
Le gouvernement se doit de scruter au-delà des évidences. Il constatera alors que le fonctionnement des entreprises publiques est aujourd'hui tributaire de mandataires moralement démobilisés, parce que « démissionnés » depuis juin dernier par la ministre du Portefeuille. Ils attendent encore de faire la remise et reprise avec les lauréats du test organisé par le COPIREP, trois mois après l'expiration du délai de « 60 jours » durant lequel ils étaient astreints à expédier les affaires.
Sur le plan politique, les Assemblées et les gouvernements provinciaux n'émettent pas, « dans l'ensemble », sur la même longueur d'ondes, si l'on s'en tient aux motions de défiance, échues ou en cours d'élaboration, enregistrées dans plusieurs provinces.
Au Palais du peuple de Kinshasa, les discours virulents entendus à la rentrée judiciaire, le « regrettable malentendu » dénoncé avec la même virulence dans l'épisode de la perquisition « hors normes » du domicile du sénateur Polycarpe Mongulu ainsi que les débats enflammés sur des questions orales adressées aux ministres donnent la juste mesure de l'état des relations qu'entretiennent les différents pouvoirs.
Au plan social, les professeurs de l'UNIKIN (Université de Kinshasa) et de l'UNILU (Université de Lubumbashi), mécontents de leurs conditions sociales, ont débrayé. Le personnel médical, qui réclame le paiement de la prime de risque promise par le gouvernement, pourrait leur emboîter le pas. Quant aux médecins, réunis pour trois jours à Kinshasa sur des questions liées à leur profession, il n'est pas exclu qu'ils les rejoignent en revendiquant des améliorations salariales.
PRIVILEGIER LES ATTENTES
A l'analyse des faits, il semble que la suspension de la grève des agents et fonctionnaires de l'Etat, décidée par leur Intersyndicale à la suite de la promesse du Premier ministre Antoine Gizenga de payer le premier palier du barème salarial de Mbudi au mois de décembre, n'écarte pas l'éventualité d'une explosion sociale.
En effet, la nouvelle augmentation du prix du carburant, dont le litre d'essence est passé de 530 Fc à 610 Fc à l'Ouest et un peu plus à l'Est du pays en ce mois de novembre, va avoir des répercussions dans d'autres secteurs.
La qualité de vie des Congolais, déjà aléatoire, va alors recevoir un coup terrible, les tarifs de transport et les prix des produits de consommation courante prenant immanquablement l'ascenseur. Et ce, à quelques jours des fêtes de fin d'année.
Le gouvernement est censé connaître les attentes des populations congolaises. Elles portent sur la pacification du territoire national, la restauration de l'autorité de l'Etat, la sécurisation des personnes et de leurs biens, la réhabilitation des infrastructures de base, des entreprises publiques et privées ainsi que l'amélioration du vécu quotidien.
Et lorsqu'il fait état des « cas d'insécurité entretenus dans la province du Nord-Kivu», il pêche par omission. Car, hormis les tueries perpétrées par « les éléments dissidents de Laurent Nkunda et d'autres éléments incontrôlés », l'insécurité est perceptible dans les grandes agglomérations du pays.
Parmi les causes de la recrudescence de la criminalité qui insécurise les citoyens, il y a l'obscurité dans laquelle sont plongés les quartiers des principales villes.
L'eau courante, qui est un élément vital, est aussi devenu rare, même à Kinshasa où l'on organise des veillées nocturnes pour s'en procurer. Très tard dans la nuit.
Par ailleurs, de nombreux territoires de la République démocratique du Congo sont inaccessibles à cause du mauvais état des voies de communication. Du fait de cet état des choses, d'autres se sont tournés vers les pays voisins. A l'instar de l'Ituri (province Orientale), où les échanges commerciaux se font principalement avec l'Ouganda. Surtout en monnaie ougandaise !
Quand on évoque la création des emplois et les investissements, on pense aussitôt au circuit bancaire, aujourd'hui décrédibilisé en RDC. Où, se plaignent par ailleurs de nombreux opérateurs économiques, « le crédit bancaire est mort ».
« Ceux qui bénéficient encore de crédits, dans certaines banques, doivent donner des garanties importantes à l'étranger. Les Congolais, qui n'ont pas de garanties à l'extérieur, n'ont pas accès aux crédits bancaires. C'est une réalité indéniable depuis 1990 », selon le président de la FEC/province Orientale, Raymond Mokeni Ekopi Kane.
En tout état de cause, le gouvernement doit se sentir interpellé, plutôt que de se satisfaire d'épiphénomènes somme toute positifs.